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Dépasser ses limites, pour qui ? Pourquoi ?



« Peut-on toujours repousser ses limites ? » La question soulevée samedi matin au musée Pierre-Noël à l’occasion d’une rencontre animée par Damien Bessot autour des travaux de David Le Breton, sociologue du corps, Georges Vigarello, historien spécialiste de l’histoire de l’hygiène, de la santé, des pratiques corporelles et des représentations du corps, et de Thierry Hoquet, philosophe, a suscité un débat sur lequel la géographie porte un éclairage pointu. Il est en effet constaté que dans de nombreuses civilisations, le mot corps n’existe pas, ou depuis peu, par exemple chez les Kanaks influencés par les Européens. Or depuis la Rome ou la Grèce antiques, bien qu’il ne soit pas défini comme tel, le corps a toute son importance notamment à travers les sports et les combats. De l’action simple jusqu’à l’exploit physique, au fil des siècles, l’humain tente de repousser les limites de son corps. Jusqu’à le mettre en danger de mort, et le détruire.

Du rêve d’immortalité à la peur, jusqu’au refus de vieillir, l’importance donnée au corps a profondément évolué. Depuis les années 90, les pratiques de modelage, de façonnement du corps se sont multipliées. Miroir d’une société du paraître, le corps «prison» devient objet imparfait, indigne de l’âme qui l’habite. Ainsi confronté à ses souffrances, l’individu choisit de déplacer les frontières de sa peau. Scarifications, tatouages, greffes, chirurgie, Botox pour tendre la peau, et autres moyens, tout ou presque est rendu possible. Des maternités (très) tardives interpellent.

Georges Vigarello explique ces démarches par des besoins existentiels propres à chacun. «En me dessinant, je m’affirme comme un individu autonome». L’idée que les forces initiales du corps puissent se dégrader est rejetée. Quant aux compétitions sportives, elles n’ont aujourd’hui de sens que parce qu’elles autorisent, voire obligent, le dépassement de soi et l’acceptation de l’excès avec l’utilisation des pires moyens médicamenteux pour y parvenir. Repousser toujours et encore ses limites demeure un pari mais, trop gonflé, le ballon de baudruche explose !