TT vieux

Qui sont les nouveaux vieux ?


 

Se retrouver un dimanche à 9 h 30 au grand salon de l’hôtel de ville, pour évoquer « Les vieux» pouvait sembler un peu difficile à digérer. Eh bien, ce ne fut pas le cas ! Car tout au long de cette rencontre animée par le journaliste-auteur Claude Vautrin, tour à tour Joëlle Goron, auteure de plusieurs ouvrages, Pierre Guerci, auteur, et Georges Vigarello, historien spécialiste de l’histoire de l’hygiène, de la santé, des pratiques corporelles et de la représentation du corps, ont su éveiller de nombreux éléments de réflexion.

 «Trop jeune pour être vieille», clame Joëlle Goron, auteur du «Petit manuel de savoir rire (et profiter) de son âge». Et de mettre à l’aise son public : «J’ai 78 ans, ce n’est pas grave, la question est : à quel moment se sent-on vieux ?» Comme l’indiquait Georges Vigarello, la personnalité, l'environnement et le sociétal influent sur l’évolution de chacun. Également auteure de «Je râle pour vous», Joëlle Goron s’insurge contre une inégalité. «Il y a une culpabilisation des femmes qui, parce qu’elles atteignent un certain âge, ne trouvent plus d’emploi. C’est un chômage très particulier. Il est ridicule de dire que l’on a vingt ans dans sa tête. Ce n’est pas vrai, ou alors celles qui disent cela ont eu une vie bien morose ! On n’a pas à avoir honte de son expérience et de son vécu, on dit son âge sans honte voilà tout ! »

Pour Georges Vigarello, il faut assumer ses années avec les changements qu’elles induisent. Le regard des autres demeure cependant trop souvent négatif. « Il y a pourtant un changement radical qui se fait. De 1921 à 2021, l’espérance de vie est passée d’environ 70 ans 85 ans. »

De son côté, Pierre Guerci, qui a côtoyé les affres de la vieillesse de son père, dénonce les lents paliers d’une décrépitude qui désaccorde le temps. Le silence autour du vieillard se fait alors pesant. Joëlle Goron met en avant l’exemple de «La mère Denis» que connurent en 1970-1980 les téléspectateurs. «La nouvelle vieille, c’est maintenant quelqu’un de bien dans sa peau, quelqu’un dans le présent, avec son passé, sans oublier l’avenir. Il faut conserver la curiosité. La retraite, c’est le moment ou jamais d’aller vers une passion. Il faut trouver un équilibre entre l’abandon de ce qui n’est plus possible et le punch ! Et essayer de garder le contact avec l’information, avec la société… On doit alimenter son cerveau, mobiliser sa tête, c’est une gymnastique ! La vraie vieillesse c’est le moment de la solitude intégrale.» Pierre Guerci citait Antoine Blondin : «On boit à plusieurs, mais on est saoul tout seul ! » Et d’ajouter que la différence entre un jeune et un vieux se calcule hélas souvent en termes de productivité. «Les vieux sont précieux. On devrait y prendre davantage attention. Comme l’affirme un proverbe africain : un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ! »  À propos de soins et, du coup, d’espérance de vie, un fossé entre vieux riches et vieux pauvres est pointé du doigt. La crise sanitaire a permis de s’interroger sur les droits élémentaires des citoyens résidents des maisons de retraite. Et tous en sont d’accord, la santé demeure un critère majeur du vieillissement.